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Initiation et spiritualité - Page 144

  • En route vers le Champ des étoiles. Note 1

    m31-gendler.jpgLe titre de cette chronique pourrait être chronique d'une mort annoncée car le Champ des étoiles est le terme de notre passage sur terre. Bref le terme de cette chronique ce sera ma mort. Je m'efforcerai comme un reporter de décrire le chemin qui y mène et j'essaierai de prendre des notes jusqu'au bout si c'est possible. Mais avant de mourir je veux parler de la Vie en espérant vous aider à bien vivre pour bien mourir. Mon but c'est d'écrire une chronique du bonheur de vivre,car ne vous y trompez surtout pas, c'est parce que j'aime tant la vie que je veux vous en parler jusqu'au bout. Dans cette affaire ma hantise sera la mort subite qui ne me permettrait pas de finir le job, c'est à dire d'être conscient jusqu'au bout. Pour tout dire, j'aimerais finir comme mon grand-père Jean ou ma tante Odette, de parfaits inconnus, ou comme Alexandra David-Neel qui l'est un peu. Le premier est parti en recommandant à la famille de ne pas oubliers les cochonailles et de mettre le bourgogne au frais, la seconde a dit vouloir se reposer un peu en recommadant à sa fille qui sortait, de ne surtout pas oublier ses clés. Puis elle a commencé sa sieste habituelle pour ne plus en sortir. Quant à Alexandra David-Neel, elle a annoncé qu'elle allait passer dans 10 minutes et elle a demandé une tasse de thé avant de s'endormir définitivement dans un fauteuil. En ce qui me concerne je serai peut-être mort demain et il n'y aura pas de chronique n°2, mais ça peut-être long aussi,car il y a déjà deux centenaires dans ma famille. Il faut dire que je sors d'une solide famille bourguignonne et que le Pouilly Fuissé doit y être pour quelque chose. Ma grand mère Marguerite repose dans le cimetière de Fuissé et je lui dédie cette première chronique. Si maintenant vous voulez en savoir plus sur les qualités salvifiques de la Bourgogne, je vous renvoie aux ouvrages d'Henri Vincenot. Pour ce qui est du Pouilly Fuissé, je vous recommande celui de Frédéric Burrier, mais vous n'êtes pas obligé de me croire.

    Mais revenons maintenant à cette fin d'octobre 2003 qui me vit achever mon pèlerinage à Compostelle. Le 24 octobre au matin je pris un train jusqu'à Irun et la frontière française où un train de nuit m'amena à la gare d'Austerlitz au petit matin blême du 25 octobre. De là je pris le métro pour aller à la gare de l'Est où m'attendait le TGV du retour. Dans le métro je compris que j'étais de nouveau dans la "civilisation" urbaine. Le métro des travailleurs de l'aube, c'est l'enfer de Dante rempli de gens blafards qui toussent, qui puent la clope et qui se regardent en silence sans se voir. Bienvenue chez les zombies.

    Arrivé à Strasbourg en fin de matinée je pris un TER qui m'amena à Colmar en début d'après midi, et là, dans le train, j'eus la surprise d'y retrouver ma fille, alors étudiante à Strasbourg,qui rentrait à Colmar avec une bande de copines. Je me sentis presque comme un intrus. Un vieux de retour de pèlerinage, quel archaïsme pour cette jeunesse du 21è siècle ! Pouvais-je partager ce que je venais de vivre ?  Il parait que la relation père-fille est ce qu'il y a de mieux, et pourtant comment partager son âme avec ses enfants ? Je n'ai pas la relation de complicité qui est la norme dit-on entre père et fille et je me sens plus proche de mes garçons. Suis-je normal docteur ? En fait j'imagine qu'il n'y a pas de normes en la matière. J'aime mes enfants de la même manière, mais le communication dépend surtout des caractères et des goûts. Comment communiquer avec ses enfants en ce temps d'internet et de smartphones ? Sur facebook nos jeunes étalent volontiers toute sorte de pipi caca devant le monde entier, mais ils oublient de téléphoner aux vieux pour leur dire que l'on sera présent au dîner à l'heure convenue.

    Mais n'anticipons pas, en 2003 ce n'était encore que le début d'internet. J'ai dû avoir un peu de communication normale, ou à l'ancienne, avec ma fille malgré ses copines. Nous arrivâmes ensemble à Colmar où nous attendait ma femme. Il fallait maintenant se réadapter à la vie sédentaire. Sur le sentier de Compostelle on disait ultréïa pour annoncer la prochaine étape. Avec mes jeunes et les SMS j'ai appris à dire à  +. A + donc.

  • Le Sacré et les institutions religieuses et politiques.

    !cid_RWxlY3Rpb25zRXVyb3BlZW5uZXMuanBn$2597729$973217@alsacedabord.jpgQu'est-ce qui est sacré et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Est sacré ce qui pour nous a de la valeur en soi , mais qu'est-ce qui a de la valeur en soi ?

    Je me souviens avoir profondément vexé une femme après lui avoir offert un bijou. Face à son émerveillement devant un superbe diamant, j'avais remarqué sottement "qu'après tout ce n'était qu'un caillou".

    Face à l'Eternel que nous portons en nous, tout est sans valeur et relatif. Quand bien même je serais le roi du monde cela me ferait rire, et je me sentirais comme un benêt face au ciel étoilé. Pour moi seul l'Eternel est sacré et digne d'intérêt, mais je ne suis pas seul au monde et je dois vivre avec les autres.

     Pour vivre dans ce monde il nous faut  des  institutions, sociales, politiques, religieuses et autres. Ces institutions me font père de famille, citoyen, humain tout simplement. C'est à travers elles que je donne un sens sacré à ma vie ici-bas, en essayant de faire l'oeuvre de Dieu.  Au nom du Sacré je ne peux donc me retirer comme l'ermite sur la montagne car l'oeuvre de Dieu doit être faite. Je ne peux renoncer car l'oeuvre de Dieu est éternelle et je dois aller jusqu'au bout de mon chemin personnel à son service. Pourtant je comprends ce pape qui renonce et se retire pour prier. Prier c'est aussi oeuvrer pour Dieu. Je comprends Benoît XVI ce pape qui n'a plus voulu couvrir l'imposture vaticane au nom de Dieu. Et pourtant il faut aussi des papes qui mettent les mains dans le cambouis, car un monde d'ermites est inconcevable, même s'il faut aussi des ermites voués à la prière et au renoncement sacré.

    De plus, un monde sans ermites serait un monde qui aurait définitivement perdu le sens du Sacré. Moines et ermites nous rappellent que l'Eternel et le Sacré sont bien au-delà des institutions  transitoires (institutions religieuses comprises ) que nous ne devons surtout pas idolâtrer.

    Notons pour conclure que contrairement au 20è siècle qui avait dévoyé le sens du Sacré dans les grandes idolâtries fascistes et communistes, le 21 è siècle débute dans la désacralisation générale des institutions religieuses et politiques. Le monde semble perdre  ses repères les plus sacrés et courir vers le chaos moral et spirituel, encore plus que politique ou économique. L'Italie du pape démissionnaire et du triomphe de Beppo le clown, en est la parfaite illustration. Tandis que le pape lucide s'en va pour ne plus couvrir les turpitudes de son église, les clowns à la Berlusconi et à la Beppo font recette ! Pour combien de temps encore avant l'effondrement final ? Et comme l'on comprend les sages qui quittent la nef des fous pour se faire... ermites !

  • Compostelle : fin du pèlerinage. Note 30

    350px-Spain_Santiago_de_Compostela_-_Cathedral.jpgLa dernière étape avant Compostelle est le gros bourg de Lavacolla dont il n'y a rien à dire, sinon qu'il était autrefois le lieu où les pèlerins faisaient leurs ablutions pour être propres avant de se présenter à Compostelle. Lavacolla, lave cul disent certains, mais je ne garantis pas l'étymologie. De Lavacolla je ne garde que le souvenir d'une chambre d'hôtel aux fenêtres mal jointives qui suintaient d'humidité.

    Au petit matin j'avale un thé brûlant et deux madeleines et me voilà parti sous les averses pour la dernière et courte étape. J'arrive bientôt à l'aéroport international de St Jacques de Compostelle, puis je gravis le Monte Gozo, ou Mont de la Joie, d'où l'on voit St Jacques de Compostelle. Lorsque j'y parviens, un magnifique arc en ciel se montre au loin au-dessus de la ville. Encore un clin d'oeil du Bon Dieu !

    Le Monte Gozo est encombré de silos à pèlerins construits pour le Pape Jean-Paul II en 1989 à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, un truc très catho cathodique dont vous avez sans doute entendu parler. Une ligne de bus part des catho baraques et vous conduit directement au centre de St Jacques de Compostelle. Ce sera donc en bus que le 23 octobre 2003, j'achève mon périple de trois mois de vagabondage sacré, ou plutôt de sacrées vacances....les meilleures de ma vie.

    Sur l'esplanade devant la cathédrale, l'employé d'un magasin de photos, déguisé en pèlerin du moyen-âge (grande cape, chapeau et bourdon) propose aux touristes d'être photographiés avec lui....comme  le Père Noël devant les grands magasins pendant les fêtes de fin d'année....Je prends mes aises comme un touriste, je flâne, je fais des photos. Dans une ruelle de la ville haute je tombe sur un très catho couple que j'ai souvent croisé sur le chemin depuis la France. Les Valissant ont fait le pèlerinage en couple, souvent en se faisant la gueule comme j'ai pu le constater parfois à l'étape...Ainsi est le mariage, une longue marche pas toujours drôle, mais sanctifiante sans doute selon la sainte doctrine catholique.Sur ce point comme sur d'autres, je ne suis pas trop d'accord avec la morale catholique, je n'en ai pas moins de l'admiration pour les couples pèlerins. Se traîner soi-même est dur parfois, à deux ce doit être pire.

    Les Valissant me rappellent pieusement que la messe des pèlerins est à midi, et je leur promets de les y rejoindre. Après tout pourquoi pas ? Trois mois de marche valent bien une messe. Je me présente ensuite au bureau du pèlerinage pour faire tamponner ma " crédencial" ( le carnet du pèlerin qui consigne toutes les étapes ) Le préposé me regarde avec respect car peu de pèlerins viennent de loin en marchant plusieurs mois. La plupart font les 100 kilomètres de marche obligatoire pour obtenir la reconnaissance de pèlerin. Je reçois donc un diplôme écrit en latin que je regarde encore parfois avec nostalgie. C'est fini et comme je n'oublie jamais les nourritures terrestres, je me mets en quête d'un bon restaurant. Soudain je me rappelle la promesse faite à mes amis d'aller à la messe. Je n'ai pas encore mis les pieds dans la cathédrale, j'y cours et je monte les escaliers du parvis quatre à quatre malgré mon sac. Le douzième coup de midi est en train de sonner et les lourds battants de bronze du majestueux portail se referment devant mon nez. Trop tard ! Il est trop tard pour moi, l'Eglise ne veut pas du mécréant que je suis et je reste à la porte !

    Après la messe je retrouve mes amis cathos qui m'expliquent que sur le côté de la cathédrale il y a une petite porte toujours ouverte. Quel symbole ! Il y a toujours des arrangements avec l'Eglise, j'aurais dû m'en douter , connaissant un peu la morale jésuite....

    C'est fini. Je prends mon billet de retour à la gare et j'accompagne chez elle une vieille veuve appauvrie qui raccole les pèlerins sur l'esplanade de la cathédrale pour leur louer des chambres....glaciales. Ultime nuit, glaciale, à Compostelle et en Espagne. Demain je rentre à la maison et ça c'est une autre histoire, un autre long voyage que je vous raconterai dans une nouvelle série de notes intitulées " En route vers le Champ des Etoiles". Il y sera encore question de Compostelle bien sûr parfois, mais surtout d'autres chemins, intérieurs ceux-là, qui nous mènent tous à notre but qui est de mourir. "En route vers le Champ des Etoiles" sera je l'espère la chronique du bien vieillir pour bien mourir. A + Le Vieux Templier.