Contraint de soutenir l'Ukraine au nom du respect du Droit international l'Occident fit le pari forcé de la victoire de ce pays, mais contraint et forcé ce pari était surtout un pari stupide. C'est ce que j'ai tenté d'expliquer au sein de ma propre famille au début du conflit et dont il est question dans cette note.
Nul n'est prophète en son pays dit-on et encore moins dans sa propre famille, je peux en témoigner. J'ajoute qu'avoir raison avant tout le monde est désespérant parfois et je ne souhaite à personne d'être trop lucide. Mais revenons à l'Ukraine.
Faute de pouvoir vaincre, l'Ukraine devra accepter sa défaite, c'est à dire le rattachement de fait à la Russie de la Crimée et du Donbass. Telle était mon opinion qui, au début du conflit, m'opposa à mes propres fils dont l'un est officier pilote de Tigre et l'autre homme d'affaire issu d'une école de commerce.
Le premier croyait à la victoire de l'Ukraine aidée par les renseignements occidentaux et appliquant les tactiques de l'Otan face à une armée russe archaïque en bien des domaines. Le second m'assurait depuis la Suisse que l'économie mondialisée aurait raison de l'économie russe 25 è mondiale en terme de PIB.
J'opposais au premier l'étendue du territoire russe qui aurait obligé l'armée ukrainienne à s'enliser dans la profondeur en cas de percée des lignes russes ( comme ce fut le cas pour Napoléon et Hitler), et au second la capacité d'une économie primitive à passer rapidement en économie de guerre, contrairement à une économie libérale.
Et de fait contrairement à la Russie, l'Occident n'a jamais réussi à se mettre en économie de guerre, pire l'Ukraine s'est montrée incapable de mobiliser ses ressources humaines du fait de la fuite des classes mobilisables vers une Europe qui ne pouvait les lui renvoyer au nom du respect du droit des réfugiés.
Dès 2022 il était clair également que l'Occident ne s'engagerait pas contre Moscou dans une troisième guerre mondiale, la conclusion logique était donc que tôt ou tard le front se figerait. Nous y sommes et il ne sert de rien de prolonger ce conflit en envoyant des missiles ukrainiens faire des dégâts en Russie, juste pour faire croire que la guerre continue. La vérité des faits est que la guerre est en train de se figer sur les lignes de front du Donbass, où les Russes ont de fait atteint leurs objectifs, à l'exception de Karkiv peut-être.
Le temps est donc venu de négocier l'échange des territoires conquis contre une garantie conjointe américano russe de l'adhésion future de l'Ukraine à l'Otan et à l'UE. Je tiens le pari que la fin des hostilités est proche, non pas hélas à travers une paix garantie par traité, mais caractérisée par un cessez le feu suivi de discussions portant sur les objectifs définis plus haut. Nous aurons alors une situation à la coréenne.
C'est un pari gagnant mais ne le dites pas à mes fils car en famille aussi la paix est ce qui importe le plus, et il vaut mieux éviter les sujets qui fâchent lors des repas d'anniversaire.
Commentaires
Curieusement vous n'employez pas une seule fois le mot "Guerre froide" ; c'est le pourtant le cadre général qui permet de penser, de façon dépassionnée, le conflit en Ukraine entre l'OTAN et la Russie. Vos fils n'ont sans doute jamais entendu parler de la Guerre froide autrement qu'à travers un ou des discours de propagande ; elle est enseignée ainsi jusqu'au lycée. Au niveau des études historiques universitaires, la censure est également très forte.
Une chose frappante dans les conflits capitalistes industriels, c'est qu'ils déjouent toujours les pronostics des stratèges militaires : ni dans le camp russe, ni dans le camp de l'OTAN, on n'avait prévu une guerre de tranchées, extrêmement gourmande en obus : les Etats-Unis ont été pratiquement obligés de reconstruire des usines pour en fabriquer en quantité industrielle.
Vous devriez conseiller à vos fils la lecture de George Orwell (1984) : nul n'a mieux expliqué que lui le rôle existentiel que la guerre joue au stade totalitaire où nous sommes : elle ne remplit pas une fonction de conquête territoriale, mais de ciment social ; l'Europe n'était plus qu'un truc de technocrates sans aucun attrait, et l'idéal européen en berne s'est soudain reconstitué dans la haine de la Russie (je ne parle pas de vos fils, mais des médias). Poutine a pratiquement (involontairement) ressuscité l'Europe contre lui.
L'homme du peuple ou le citoyen lambda est, selon Orwell, assigné à une réaction passionnée : il lui est interdit de prendre du recul sur la guerre qui fait rage entre blocs, bien que cette guerre engage son existence ; ça aussi c'est très bien observé de la part d'Orwell.
Merci de votre commentaire Lapinos. J'ai plaisir à y répondre.
S'agissant de mes fils ils ont été formatés, l'un par l'esprit Otan de nos armées, l'autre par son école de commerce et ils n'ont en effet qu'une vague idée de la guerre froide. D'ailleurs le terme n'est pas approprié en Ukraine où la guerre solde les frustrations russes envers l'Amérique après la seconde guerre mondiale.
Ce règlement de vieux comptes historiques a lieu dans le cadre d'un affrontement entre mafieux slaves. En Ukraine ces mafieux ont été manipulés par les services occidentaux et ils ont cru qu'ils pouvaient s'attaquer à Poutine avec l'aide de l'Otan. Manipulée à son tour par Zélensky l'Otan a heureusement évité de se laisser entraîner trop loin, l'alliance devra donc accepter le verdict du terrain. Mais en contrepartie elle a été revivifiée.
S'agissant de la guerre nécessaire comme lien social Orwell n'a qu'en partie raison. En dehors des gogos qui croient aux récits officiels, en Russie comme en Ukraine, tout le monde n'a pas envie de connaitre la fraternité des combats.