A l'occasion de la récente visite du président Macron en Algérie, le Vieux Templier vous propose deux notes intitulées respectivement " Algérie 1962 : mémoire d'indifférence" et " France 2022 : le réalisme enfin ? "
La première note ci-dessous rapporte mon expérience de coopération technique dans l'Algérie des années 60 et la seconde à paraître est une réaction au récent voyage présidentiel en Algérie.
ALGERIE 1963.
J'étais un jeune diplômé récemment libéré de ses obligations militaires lorsque je débarquai en Algérie en 1963. Après avoir servi dans les services de l'Etat-major de l'Otan à Heidelberg je passai directement de la crise de Cuba aux convulsions post coloniales.
Mon intérêt pour l'Algérie était alimentaire et touristique. J'avais demandé à travailler pour le Ministère de la Coopération afin de toucher une prime au titre de la coopération et voir du pays, en l'occurrence connaitre la Kabylie et le grand sud algérien.
A Alger les pieds-noirs avaient été remplacés par des "pieds-rouges", fraichement diplômés eux aussi, et qui remplaçaient leur service militaire par un service de coopération. Ils croyaient faire la révolution socialiste et "grenouillaient" à Alger dans les administrations auprès de " chouaadas" ( martyres ou prétendus tels ) issus des maquis et qui ne savaient pas faire grand chose.
Mais à Constantine où je fus affecté il n'était pas question de révolution, les problèmes étaient très concrets comme celui de la protection du célèbre pont suspendu au-dessus des gorges du Rummel, et dont les câbles étaient régulièrement attaqués par des voleurs de métaux !
Mon séjour me permit de connaitre une région splendide mais encore dangereuse, en particulier lorsque Boumedienne liquida le maquis socialiste de Ben Bella dans les Aurès.
L'islamisme pointait déjà sous le socialisme de surface, je le fis remarquer à mes camarades qui ne me crurent pas. Contrairement à eux je n'avais pas d'illusions politiques, je n'étais pas venu faire la révolution mais toucher ma prime. En fait ces "pieds rouges" furent très déçus de leur expérience algérienne et certains d'entre eux allaient compenser leur désillusion en rejouant les damnés de la terre au théâtre de l'Odéon en 1968.
J'étais politiquement et humainement indifférent me considérant comme un touriste utile. J'étais prudent envers les Algériens, trop souvent imprévisibles, voire schizophrènes dans leur rapport à la France, et je ne partageais ni le racisme des pieds-noirs, ni l' aveuglement idéologique des " pieds-rouges". J'étais venu pour la prime qui me permit d'acheter ma première voiture détaxée, une 4 L avec laquelle je parcourus la Kabylie et poussai jusque dans le grand sud.
Je me souviens encore avec émerveillement du passage de l'opéra de Pékin à Constantine. Malgré la propagande politique du spectacle, je n'ai jamais revu pareille perfection chorégraphique. Autre souvenir, la peur des Constantinois de se faire "bulgariser" à l'hôpital de Constantine. Les excellents médecins français avaient été remplacés pour la plupart par des "médecins" bulgares formés en trois ans; cela avait des conséquences sur la qualité des soins et des diagnostics.
Ayant touché ma prime et acheté ma 4L, je rentrai en France sans regrets mais content d'avoir vécu un basculement historique passionnant et fait de belles photos Je ne suis jamais retourné en Algérie et je ne suis pas sûr d'en avoir envie.
Ma jeunesse aussi m'est indifférente.