Source La conférence de Tigrane Yégavian " La France a-t-elle trahi la cause des chrétiens d'Orient ? donnée au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice le 12 décembre 2023.
L'amphithéâtre du CUM n'était pas aussi plein qu'il aurait pu l'être. Il aurait sans doute été bondé si le titre de la conférence eut été "La France a-t-elle trahi les Palestiniens chrétiens ?". C'est ainsi pour le plus grand malheur de la communauté chrétienne au Moyen-Orient dont le sort est lié à l'évolution politique de cette zone du monde. Au proche orient, faut il le rappeler, la démocratie occidentale, représentée par Israël, est confrontée aux dictatures religieuses ou nationalistes, arabes ou perses.
Sans la démocratie israélienne et le ferment démocratique du christianisme oriental, le proche orient ne serait plus qu'un nouvel Afghanistan régi par la charia de l'islam primitif. Dans l'intérêt même des musulmans le maintien des chrétiens d'orient sur place doit être assuré. Bien sûr cela ne pouvait être dit ainsi par le conférencier, qui, en sa qualité de chercheur voué à la modération et au doute était tenu de s'en tenir à son sujet, à savoir si oui ou non la France a trahi la cause des chrétiens d'Orient. Il s'est contenté d'exposer les faits historiques sans porter de jugement, laissant à chacun le soin d'en juger.
La présente note est donc un jugement. Mais avant de juger rappelons que la réponse dépend de l'idée que l'on se fait de la France et de son rapport à la religion.
Si l'on considère que la France est "la fille aînée de l'Eglise", il est clair qu'elle a trahi la cause des chrétiens d'Orient. Mais une vision laïque, ou simplement gallicane, de la France, conduit à une réponse plus nuancée. La France n'a jamais dépendu de la papauté, même si l'inverse est vrai, elle a donc pratiqué la Realpolitik au mieux de ses intérêts et de sa puissance. Même si cela entraînait une trahison permanente de son statut fondateur de nation chrétienne et européenne.
De ce point de vue en effet, la France n'a jamais cessé de trahir l'Europe chrétienne. Cela a commencé avec le nationalisme de Philippe le Bel qui détruisit le très chrétien, mais aussi très européen, ordre du Temple, pour mieux soumettre la papauté au service de ses intérêts.. Plus tard "la fille aînée de l'Eglise" est devenue une courtisane vénale en quête d'amants fortunés et puissants. L'Europe chrétienne a ainsi battu l'Empire ottoman musulman à la bataille de Lépante (1572) sans la France favorable aux Turcs Puis en 1536, la France de François Ier officialisa son alliance avec eux par le traité des Capitulations. Celui-ci permit ensuite à la France de s'ériger en protectrice des sujets chrétiens de seconde classe de l'Empire ottoman, surtout les catholiques. Ainsi furent constitués les "échelles" du Levant base de l'influence française dans la région.
Au 20 è siècle lors de la dissolution sanglante de l'Empire ottoman la France ne dit mot sur le génocide des Arméniens en 1915, non plus que sur le sort des chrétiens de Cilicie. Atatürk n'était il pas un grand laïc admirateur de la Révolution française ? Tout comme les Bolcheviques d'ailleurs. Mais, alors même qu'elle fermait les yeux sur les massacres perpétrés au nom d'un nationalisme laïc, la France laïque et anti cléricale de la 3è République instituait un régime confessionnaliste au Liban. Ce dernier profitait surtout aux chrétiens maronites rattachés à Rome.
Nous étions alors au sortir de la première guerre mondial et la France avait encore un peu de puissance en Orient. Mais la suite ne fut plus que gesticulations impuissantes, et cela jusqu'à la dernière épuration ethnique de chrétiens dans le Haut Karabagh.
Conclusion ? D'u point de vue chrétien la France a évidemment "trahi les promesses de son baptême". Mais est-ce si grave si l'on juge du bilan politique qui fut longtemps positif pour les chrétiens d'Orient ? Le pouvoir en France n'est certes qu'un monstre froid mais cela s'applique à tous les pouvoirs, y compris celui du pape dans son mini Etat.
La religion n'échappe donc pas à la Realpolitik et cela est tout à fait d'actualité. Il suffit de suivre celle-ci pour comprendre que désormais l'Occident est confronté au retour du religieux avec la montée en puissance de l'islam au proche Orient comme dans ses banlieues.
Cela est particulièrement la cas de la France qui est historiquement très impliquée dans le rapport à l'islam. C'est pourquoi, plus que d'autres nations occidentales, la France doit donner réponse à une question existentielle à la question suivante :
La France est-elle vouée à disparaître sous l'effet de l'islamisation partielle annoncée par la démographie ? Ou au contraire peut-elle se renouveler à travers cette émigration et jouer un rôle de pont entre l'Orient compliqué et l'Occident qui se décompose ?
Peut-elle accoucher d'un nouveau peuple réconciliant son vieux fond judéo chrétien à l'Islam porté par la vitalité démographique ?
Stopper la submersion migratoire est certes l'urgence de l'heure et il n'est pas trop tard pour le faire, mais au-delà ? Au-delà il faut comprendre que l'immigration musulmane n'est pas soluble dans la laïcité, et qu'elle ne peut que détruire la France ou la renouveler.
Mais pour cela encore faut-il que notre vieux pays s'enracine dans son vieux terreau judéo chrétien avec l'aide de ces chrétiens d'Orient arabophones qui ont vocation à devenir chrétiens d'Occident comme de Terre Sainte.
Ici nous ne sommes plus dans la Realpolitik mais dans l'eschatologie messianique du monothéisme, simple délire ou rêve fou comme on veut. Mais Jeanne, Jeanne l'hystérique, la folle, la sorcière, ... ou la sainte, comme on veut, Jeanne, notre Jeanne d'Arc nationale quant à elle ne douterait pas de la France et nous inciterait à faire en sorte que Dieu y soit de nouveau "premier servi" .