Dans une interview à Tucker Carlson et publiée dans le New York times, Poutine se déclare prêt à faire la paix en Ukraine avec les Etats-Unis, mais sans les Européens. Autrement dit une démarche toute aussi vide de sens que celle qui a consisté à organiser une conférence sur la paix en Suisse sans y inviter la Russie.
L'interview de Poutine démontre son décalage temporel par rapport au monde de 2024. Poutine est perdu dans le temps historique et il est resté bloqué en 1945. Et depuis il n'a toujours pas compris que la donne entre la Russie et les USA n'est plus celle de 1945, que l'Europe de 2024 n'est plus celle de 1945 et de la guerre froide. A cette époque l'Europe avait effectivement cessé d'exister, elle avait été absorbée par les Empires russe et américain.
Il crut donc jouer d'égal à égal avec les Américains tout en considérant à juste titre que l'UE était quantité négligeable, mais il fut mortifié de constater qu'il n'était pas pris au sérieux par les Américains et il s'enferma dans son délire au point de mal calculer son coup en Ukraine, avec les conséquences que l'on sait, en particulier le réveil de l'Europe.
En 2024 l'Europe est en train de retrouver son autonomie stratégique à travers l'Otan pour des raisons existentielles, et cela inéluctablement, que cela plaise ou non à l'Amérique.
L'agression russe a réveillé le géant endormi et dans deux ans la puissance du réarmement européen, allemand en particulier, associé à la capacité nucléaire française, rendront illusoires les derniers espoirs de victoire russe en Ukraine. La perspective sera alors celle d'une partition le long de la ligne de front, comme en Corée, et la fin des illusions de reconstitution d'une grande Russie.
De son point de vue Poutine a donc raison de proposer la négociation aux Américains maintenant, c'est à dire avant que les Européens ne deviennent trop puissants. C'est sa dernière carte, c'est maintenant ou jamais. Demain en effet l'Amérique sera un peu plus éloignée de l'Europe, trop absorbée par sa frontière sud et le surgissement de la Chine, et la Russie trouvera face à elle une Europe réarmée et plus puissante qu'elle.
Si donc il veut sauver l'essentiel et rétablir la Russie dans le concert des nations, c'est maintenant, avec l'accord des Américains encore engagés en Europe. Mais demain il sera trop tard, car sans enracinement en Europe, la Russie est vouée à redevenir une steppe asiatique pour le plus grand profit de ses alliés nord coréens et chinois.
Ce serait dommage pour l'Europe, mais encore plus dommage pour la Russie !