Ainsi formulée l'affirmation est réductrice, elle résume cependant les changements intervenus en Terre Sainte depuis 1949, époque de la création de l'Etat d'Israël . En 2023 le monde n'est plus celui de 1949. En 2023 la question palestinienne est devenue celle du rapport de l'islam à la modernité, à Jérusalem comme dans le reste du monde.
Il faut partir de ce constat pour progresser dans la voie de la paix. C'est ce qu'ont compris les Etats musulmans signataires des accords d' Abraham
Ces accords rappellent que la paix ne peut être fondée que sur les bases religieuses communes aux juifs et aux musulmans; ce qui pose entre autres la question de la gestion commune des Lieux saints, à commencer par celle du Mont du Temple des juifs ou Esplanade des Mosquées des musulmans.
Depuis 1949 l'accès à l'Esplanade des Mosquées est en principe strictement réservé à l'exercice du culte musulman mais cela n'empêche pas le rabbin Yehuda Levi d'aller y prier deux fois par jour ( sauf vendredi et samedi ) depuis sept ans, accompagné de quelques fidèles. Pour le rabbin Yehuda Levi l'Esplanade des Mosquées est le Mont du Temple des juifs et il entend bien ainsi remettre en cause un statu quo de moins en moins réaliste à mesure qu'en Israël se renforce le poids des juifs religieux dans la vie politique.
Le rabbin provocateur ne fait que démontrer que l'état du Droit ne correspond plus aux réalités sociétales et politiques d' Israël. Il en est de même partout dans le monde. Celui-ci n'est plus le monde onusien de l'Amérique hégémonique des années 50 . En 2023 l'ONU et l'idéologie laïque des Droits de l'Homme ne sont plus que des fictions occidentales. Le monde s'organise de plus en plus sans l'Occident ou contre lui sous l'effet de flux démographiques qui portent les religions et les cultures non occidentale. Partout est remis en cause le monde construit après la seconde guerre mondiale par l'ONU et les Américains.
Le statu quo sur la question de l'accès à l'Esplanade des Mosquées maintient donc les réalités onusiennes de 1949, lorsqu'Israël fut fondé par des juifs non religieux, laïcs et socialistes. De leur côté les arabes chrétiens ou musulmans de l'époque croyaient plus au socialisme national du parti Baas, laïc lui aussi, qu'au renouveau de l'islam.
En 2023 au contraire la religion est redevenue le fait géopolitique majeur partout dans le monde. Loin donc d'être une foucade, la décision de Donald Trump de transférer l'Ambassade américaine à Jérusalem fut au contraire un acte réaliste prenant en compte les réalités nouvelles du 21 è siècle.
Il serait bon d'en faire de même s'agissant du Mont du Temple/Esplanade des Mosquées, car en Israël ce sont les religieux, juifs ou musulmans, qui assurent l'avenir du pays par leur vitalité démographique. Les laïcs ne font plus d'enfants et deviennent minoritaires. Il faut donc penser religieux et revoir le statut des Lieux Saints. Cela concerne aussi les chrétiens et le pape ferait bien de se rappeler que les chrétiens ont eux aussi quelques raisons de revendiquer leur espace sur l'esplanade sacrée.
Rappelons en effet qu'à l'époque des croisades les Pauvres Chevaliers du Christ s'étaient installés dans les ruines du Temple de Salomon d'où leur nom de Templiers. Ces derniers furent logés primitivement à côté de l'actuelle Mosquée El Aksa. Cela vaudrait bien aujourd'hui la construction sur l'esplanade d'une humble chapelle, catholique dans le vrai sens du terme, c'est à dire œcuménique et universaliste. Ce serait une chapelle ouverte aux Juifs comme aux Musulmans, où ils trouveraient le règlement commun et pacifique du lieu à l'usage de tous les fils d'Abraham.
Un beau rêve certes mais un rêve de paix. Israël fut fondé selon le rêve du socialiste Theodore Erzl. Et si les religieux se mettaient à rêver ensemble de Terre Sainte ?