La dernière étape avant Compostelle est le gros bourg de Lavacolla dont il n'y a rien à dire, sinon qu'il était autrefois le lieu où les pèlerins faisaient leurs ablutions pour être propres avant de se présenter à Compostelle. Lavacolla, lave cul disent certains, mais je ne garantis pas l'étymologie. De Lavacolla je ne garde que le souvenir d'une chambre d'hôtel aux fenêtres mal jointives qui suintaient d'humidité.
Au petit matin j'avale un thé brûlant et deux madeleines et me voilà parti sous les averses pour la dernière et courte étape. J'arrive bientôt à l'aéroport international de St Jacques de Compostelle, puis je gravis le Monte Gozo, ou Mont de la Joie, d'où l'on voit St Jacques de Compostelle. Lorsque j'y parviens, un magnifique arc en ciel se montre au loin au-dessus de la ville. Encore un clin d'oeil du Bon Dieu !
Le Monte Gozo est encombré de silos à pèlerins construits pour le Pape Jean-Paul II en 1989 à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, un truc très catho cathodique dont vous avez sans doute entendu parler. Une ligne de bus part des catho baraques et vous conduit directement au centre de St Jacques de Compostelle. Ce sera donc en bus que le 23 octobre 2003, j'achève mon périple de trois mois de vagabondage sacré, ou plutôt de sacrées vacances....les meilleures de ma vie.
Sur l'esplanade devant la cathédrale, l'employé d'un magasin de photos, déguisé en pèlerin du moyen-âge (grande cape, chapeau et bourdon) propose aux touristes d'être photographiés avec lui....comme le Père Noël devant les grands magasins pendant les fêtes de fin d'année....Je prends mes aises comme un touriste, je flâne, je fais des photos. Dans une ruelle de la ville haute je tombe sur un très catho couple que j'ai souvent croisé sur le chemin depuis la France. Les Valissant ont fait le pèlerinage en couple, souvent en se faisant la gueule comme j'ai pu le constater parfois à l'étape...Ainsi est le mariage, une longue marche pas toujours drôle, mais sanctifiante sans doute selon la sainte doctrine catholique.Sur ce point comme sur d'autres, je ne suis pas trop d'accord avec la morale catholique, je n'en ai pas moins de l'admiration pour les couples pèlerins. Se traîner soi-même est dur parfois, à deux ce doit être pire.
Les Valissant me rappellent pieusement que la messe des pèlerins est à midi, et je leur promets de les y rejoindre. Après tout pourquoi pas ? Trois mois de marche valent bien une messe. Je me présente ensuite au bureau du pèlerinage pour faire tamponner ma " crédencial" ( le carnet du pèlerin qui consigne toutes les étapes ) Le préposé me regarde avec respect car peu de pèlerins viennent de loin en marchant plusieurs mois. La plupart font les 100 kilomètres de marche obligatoire pour obtenir la reconnaissance de pèlerin. Je reçois donc un diplôme écrit en latin que je regarde encore parfois avec nostalgie. C'est fini et comme je n'oublie jamais les nourritures terrestres, je me mets en quête d'un bon restaurant. Soudain je me rappelle la promesse faite à mes amis d'aller à la messe. Je n'ai pas encore mis les pieds dans la cathédrale, j'y cours et je monte les escaliers du parvis quatre à quatre malgré mon sac. Le douzième coup de midi est en train de sonner et les lourds battants de bronze du majestueux portail se referment devant mon nez. Trop tard ! Il est trop tard pour moi, l'Eglise ne veut pas du mécréant que je suis et je reste à la porte !
Après la messe je retrouve mes amis cathos qui m'expliquent que sur le côté de la cathédrale il y a une petite porte toujours ouverte. Quel symbole ! Il y a toujours des arrangements avec l'Eglise, j'aurais dû m'en douter , connaissant un peu la morale jésuite....
C'est fini. Je prends mon billet de retour à la gare et j'accompagne chez elle une vieille veuve appauvrie qui raccole les pèlerins sur l'esplanade de la cathédrale pour leur louer des chambres....glaciales. Ultime nuit, glaciale, à Compostelle et en Espagne. Demain je rentre à la maison et ça c'est une autre histoire, un autre long voyage que je vous raconterai dans une nouvelle série de notes intitulées " En route vers le Champ des Etoiles". Il y sera encore question de Compostelle bien sûr parfois, mais surtout d'autres chemins, intérieurs ceux-là, qui nous mènent tous à notre but qui est de mourir. "En route vers le Champ des Etoiles" sera je l'espère la chronique du bien vieillir pour bien mourir. A + Le Vieux Templier.