Je quitte Castrojeriz dans l'obscurité car les jours raccourcissent très vite maintenant.Un vent glacial souffle et il fait froid. Peu après Castrojeriz je traverse la rivière Odrilla sur pont verglacé où je m'étale lourdement. Puis c'est une rude montée vers le haut plateau castillan. Au sommet de la montée je trouve Inge contemplant en silence le paysage. Il en vaut la peine en effet.Le château des templiers de Castrojeriz sur sa butte se découpe en ombre chinoise dans le soleil levant. Cela vaut bien la peine d'avoir les doigts bleuis par le froid. Plus loin je franchis le vieux pont Fitero qui enjambe la rivière Pissuerga de ses sept arches et je prends un café réconfortant et gratuit à l'ermitage San Nicolas au bord de la rivière. L'ermitage a été superbement restauré par les Amis de St Jacques italiens. Plus loin à Fromista j'arrive au canal de Castille et à une superbe écluse ancienne construite en 1750. A cette époque le canal de Castille jouait un rôle important dans le transport du blé de la région, aujourd'hui il tombe à l'abandon au profit du transport " Tout camion".
Je retrouve Inge en train de contempler elle aussi l'ouvrage et je la salue ...d'un énorme éternuement. A dire vrai je ne me sens pas très bien. A Poblacion de Campos, je trouve un petit gîte sympathique à 3 € la nuitée avec cuisine équipée et sans un de ces hospitaliers trop dirigistes et religieux qui vous gâchent la convivialité de la route... (Mais ce n'est pas toujours le cas heureusement et il y a des hospitaliers sympas et utiles aux pèlerins).
J'ai chaud, et je commets l'erreur de m'allonger torse nu dans l'herbe fraÎche de l'enclos du gîte. Dans la nuit je me réveille en sueur et fiévreux. Au matin je dois admettre que je suis malade. Une inconnue qui quitte le gîte s'en aperçoit et me donne un comprimé d'aspirine en prenant congé d'un laconique " Tu vas devoir te 'shooter'".Bientôt le gîte est vide et je vais devoir l'évacuer avant 8 heures. Que faire ? Je me lève et je me rase à l'eau froide qui me réveille. Je me sens faible et je pars doucement, étourdi par la fièvre et titubant sous les rafales du vent du nord glacé. Je n'ai pas de pull étant parti sous la canicule, et dans le village il n'y a rien. Je n'ai pas le choix, ce sera ...marche ou crève !