L'exposition actuelle sur Yossel de Rosheim à la Bibliothèque des Dominicains de Colmar permet de découvrir des pièces anciennes illustrant entre autres l'évolution des rapports de l'avocat des Juifs au sein du Saint Empire Romain Germanique et Martin Luther.
Dans son essai de 1523 Que Jésus-Christ est né juif Luther condamne le traitement inhumain des Juifs et presse les Chrétiens à les traiter avec bienveillance. A cette période de sa vie il reste convaincu qu'une lecture correcte de la Bible suffit à gommer les différences entre chrétiens et juifs.
Au contraire 20 ans plus tard, en 1543 son célèbre essai Les Juifs et leurs mensonges a eu une influence profonde sur le développement de l'anti-sémitisme en Allemagne. Que s'est-il donc passé ?
Tout simplement l'immense déception de Luther concernant ses espoirs de convertir les Juifs.
En 1536, lorsque le prince électeur Jean Frédéric de Saxe et protecteur de Luther, publie un décret interdisant aux Juifs d'habiter, de faire du commerce ou de passer par ses Etats, Yossel de Rosheim demande au chancelier réformé de Strasbourg d'entrer en contact avec Luther afin d'obtenir une audience auprès du prince. Luther refuse et en réponse à Yossel liste ses tentatives infructueuses pour convertir les Juifs " J'aimerais faire de mon mieux pour votre peuple, mais je ne peux pas contribuer à votre obstination juive par mes bonnes actions. Vous devez trouver un autre intermédiaire pour mon bon Seigneur"
Les tragédies historiques qui suivirent montrent que le dialogue œcuménique et interreligieux n' a de sens que si dès le départ chacun renonce à convertir l'autre pour le respecter dans sa différence. Ceux qui attendent des résultats en terme de conversions en seront toujours pour leurs frais. Il n'y a pas de vérité religieuse objective absolue, mais des voies religieuses subjectives et relatives. Ceci est la condition de tout dialogue interreligieux.